Dans la dernière édition de Aviation et Pilote, notre président s’adresse à tous les pilotes, rappelant la règle du voir et éviter, alors que les trafics évoluent, qu’il y a de plus en plus d’oiseaux dans le ciel, voire d’hélicoptères à certains endroits et certaines dates de l’année.
Je me souviens de mes premiers vols, j’étais alors chez Fenwick Hélicoptère. Les vols d’entraînements en R22 au départ de l’Héliport de Paris rejoignaient les terrains de Toussus-Le-Noble, Saint-Cyr l’École, Chavenay, Persan-Beaumont, Lognes, d’où nous préparions nos lâchés, tours de piste et navigations.
En 1991, il n’y avait pas de GPS, pas de tablettes, pas de mobiles et la navigation se faisait à la carte 500000e et 100000e, en scrutant l’horizon. Nous regardions également sous nos patins pour trouver un repère salvateur qui confirmerait notre route. Une ville, un village, un lac, une antenne, une ligne à haute tension, une voie de chemin de fer, route, autoroute, etc. Tout était bon pour ne pas se perdre et, parfois, en campagne, pour les plus audacieux, nous descendions lire le panneau du village pour nous repérer sur la carte au 100000e et reprendre notre vol. Lorsque nous étions perdus, et cela arrivait, seuls le VOR et l’ADF nous permettaient de nous recaler sur la carte, de rejoindre un point de repère et de rependre notre navigation. « Regarde dehors », répétait sans cesse l’instructeur, « la sécurité est avant tout dehors. » Qu’il est loin le temps où nous n’avions que l’extérieur pour seul repère.

En 1996, les deux Américains Gary Burrell et Min H Kao lancent les premiers GPS Garmin portables avec antennes intégrées et écrans en noir et blanc qui indiquent la direction et la vitesse (temps) pour rejoindre sa destination. C’est révolutionnaire aussi bien pour les randonneurs que pour les voitures ou les aéronefs. Dans les faits, ils fonctionnent avec un curseur, un peu comme un VOR, qui sera vite remplacé par des écrans plus grands avec plus de détails, plus de couleurs (Garmin 430 pour le plus connu), puis suivront les applications sur les mobiles et tablettes. Les systèmes de navigation et de pilotage sont désormais intégrés à la conception dans les tableaux de bord des constructeurs (Avionix, Garmin 500, etc.). Ils ont progressivement remplacé instruments traditionnels. Ils sont interactifs et leur capacité à nous faire cliquer, défiler, répondre aux informations ou alarmes envoyées, nous sollicitent et rendent l'attention plus difficile à détourner.
Parallèlement, le ciel autour de nous évolue et, en plus des aéronefs et obstacles habituels, il a vu son espace se remplir de nouveaux objets volants: drones, et de la présence grandissante d'oiseaux, rapaces notamment, des dangers réguliers pendant nos vols de loisirs ou nos missions professionnelles.
Évolution du trafic

Alors même que les chiffres des vols VFR, toutes catégories confondues, sont globalement en baisse depuis 1995, il reste en l'air une population d'aéronefs nombreuse, souvent concentrée et saisonnière.
Les parapentes et les planeurs, au coût acceptable, prennent une place grandissante dans notre ciel et ne sont pas détectables facilement. Sans parler de l'absence de radio, ils volent relativement bas et n'entrent que très tardivement dans notre champ de vision. L'avantage cependant de ces catégories est qu'elles sont souvent regroupées dans une même zone et indiquées sur les cartes OACI 500000ème (pas les parapentes). Il est donc facile d'apporter une vigilance particulière lorsque l'on entre dans ces zones et voler à une hauteur plus élevée que d'ordinaire afin d'éviter des risques de collision. Ils sont souvent à basse altitude, en vol de pente à proximité des reliefs.
Les ULM et petits avions sont plus difficiles à appréhender, car ils volent sur des distances plus importantes et à des hauteurs situees entre 1000 ft, pour les vols locaux, et 3000 ft, en navigation. Beaucoup n'ont pas de transpondeur et représentent une population de pilotes privés dans la grande majorité
Les hélicoptères civils, au nombre de 1300 en France, se répartissent par zone geographique et par saison. Ils évoluent à des hauteurs basses entre 500 et 1500 ft et, parfois, en phase d approche et de décollage en dehors des terrains. Ils sont de plus en plus rapides, proches des relies et difficiles à repérer si le rotor est à plat.
L'hiver dans les Alpes

Les hélicoptères sont très nombreux et concentrés l'hiver dans les Alpes, entre les aéroports et les stations de ski. Le gain de temps et la demande croissante de transferts y ont fait exploser la présence des compagnies en montagne depuis 15 ans. Elles sont plus d'une dizaine à se disputer le marché du transport du 15 décembre au 15 avril contre trois ou quatre à l'année. On assiste à une migration des flottes méditerranéennes et Rhône-Alpes vers les Alpes.
À cela, se rajoutent les hélicoptères de secours, la Sécurité civile, la gendarmerie et l'armée, parfois en exercice. Tous ces nouveaux acteurs aériens viennent bousculer les habitudes des volants des vallées avec des trajectoires hélicoptères souvent différentes des avions et plus proches des reliefs et obstacles. L'appréhension de la mauvaise météo est également différente et plus permissive en hélicoptère qu'en avion et donc peut réduire considérablent la visibilite horizontale et verticale des pilotes avec les obstacles mobiles ou immobiles.
Même si les aéronefs se parlent tous sur la fréquence 130.0 MHz, le vol en montagne requiert une attention particulière, regarder en dehors du cock-pit, mettre en œuvre des trajectoires et altitudes qui libèrent le plus possible le risque de collision.
La connaissance terrain des pilotes locaux est un plus incontestable dans la sécurité de ces évolutions hivernales. Ce n'est souvent pas le cas des pilotes saisonniers, lesquels découvrent, parfois pour la première fois, le vol montagne. Ils doivent faire preuve d'une vigilance extérieure accrue.
On se souviendra de la collision dramatique (sept morts) entre un hélicoptère italien et un avion français en 2019, à proximité du Mont Blanc, et de la collision miraculeusement sans conséquence de février 2024 entre un hélicoptère d'une compagnie de transport public réputée et un avion français.
L'été sur la Côte d'Azur
Sur la Côte d'Azur, la concentration estivale, entre le 10 juillet et la fin août, bat des records dans un rayon d'action de 100 km autour de Cannes. Ce trafic s'ajoute à une activité importante dans le Vaucluse, le Luberon, le Var, les Alpes-Maritimes, la Corse et l'Italie. Contrairement à la montagne, les aéronefs sont plus surveillés par les organismes de contrôle aérien et leurs transpondeurs permettent une meilleure information et séparation entre les trafics.

Ils n'en demeurent pas moins que les hélicop-teres demeurent, vis-à-vis des autres aéronefs, surprenants par leur altitude, vitesse et trajectoires et doivent donc être extrêmement vigilants. À la différence de la montagne, cette proximité est palpable par les pilotes qui bénéficient d'une visibilité exceptionnelle et qui peuvent anticiper longtemps à l'avance les croisements de trafics.
Sur le reste du territoire national
A l'exception des zones contrôlées civiles (CTR) et des zones militaires actives (avions de chasse et hélicoptères), il n'y a pas réellement de densité de trafic, mais c'est dans ces zones que l'effet de surprise est le plus fréquent. Finalement, le risque de collision est paradoxalement plus faible en nombre, mais l'évitement est parfois plus difficile a appréhender.
Évolution du risque
La nouvelle génération de pilotes d'hélicoptère, une fois brevetée, est bardée de tablettes, de GPS intégrés ou pas, de mobiles, lesquels deviennent indispensables à la conduite du vol. À peine ai-je décollé que mon œil va sur plusieurs écrans, en oubliant parfois ceux nécessaires à la sécurité réelle du vol. J'ai toujours été étonné que l'on puisse perdre des points sur son permis en envoyant un SMS en voiture, prétextant un danger - avéré - pendant l'opération, alors que l'on peut en toute impunité manipuler l'écran intégré de la voiture, souvent moins ergonomique qu'un téléphone.

La problématique est devenue le même à bord de nos aéronefs. Non seulement nous plongeons dans nos écrans pour les besoins de la navigation et de la conduite du vol, mais également pour regarder nos messages ou nos mails, les consignes de la compagnie pour la reprise de passagers, ect...
Plus le pilote est chevronné, plus la tentation est grande! Je me souviens avec effroi de mes multiples sursauts ou soulagements après avoir évité au dernier moment, parfois sans action de pilotage, un rapace, un parapente ou un aéronef. À chaque fois, je me suis juré de ne plus utiliser mon portable en l'air. Pourtant, contrairement à la voiture où le risque est à 1 mètre à 130 km/h, en hélicoptère, on se sent seul au monde et loin de tout danger.

Concernant l'évolution du risque il faut tenir compte de l'augmentation du nombre d'oiseaux dans les cieux français, favorisée - bien heureusement par la protection de la nature et des espèces.
Je croise davantage d'étourneaux, mouettes, goélands, etc., assez éloignés du littoral. J'observe également plus de petits rapaces (buses) en campagne et d'aigles en haute montagne et basse montagne. La majorité des espèces tentent d'esquiver les hélicoptères, souvent dans des mouvements de panique difficilement prévisibles, a l'inverse, les aigles ne bougent quasiment pas, imposant au pilote un changement de cap impératif pour éviter la collision qui pourrait être fatale à l'aéronef et à l'animal. À la vitesse moyenne de 200 km/h, on imagine facilement la violence d'un tel impact avec notre bulle, nos pales ou notre carénage.
Voir et éviter
Telle est la devise et la règle que nous devons respecter pendant nos vols. Pour cela, il faut regarder dehors le plus souvent possible. Ne pas hésiter à le faire longuement pour anticiper le danger. L'âge et parfois l'insouciance nous rendent paresseux et je vois rarement les élèves, les pilotes privés et les pilotes professionnels tourner la tête pour scruter de gauche à droite longuement l'horizon afin de repérer un aéronef ou un danger aviaire.
Alors, chères et chers pilotes, pendant vos prochains vols et pour la sécurité de tous, recherchez autour de vous régulièrement celui ou celle qui, par ce geste simple, redeviendra un compagnon de voyage au lieu d'un agresseur.
Bon vol à tous et prudence cet hiver. +
Michel de Rohozinski, Président, GreenBees Helico
Février 2025 - Aviation et Pilote 39
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